Histoire
Nearly dead
Et merde. Je sentais bien que ça partirait en couille. Je sais pas depuis combien de temps je suis dans cette cave de merde, à poil, attaché à une chaise avec un spot blanc cru qui me grille la gueule, mais les russes commencent à devenir impatients. La dernière fois qu'ils sont entrés dans ce tombeau je pense les avoir contrariés. C'était peut-être insolent de demander qu'on me gratte le nez vu qu'ils m'avaient arrachés tous les ongles.
La question est bordel de Dieu comment je me suis retrouvé dans ce merdier. C'est pas compliqué, ça puait dès le début. Traquer une tête du Parti transportant des plans de prototypes d'ogives, en étant seul et en territoire ennemi j'étais baisé d'avance. Limite je suis impressionné d'avoir déjà pu survivre à Budapest et Varsovie.
Les voilà qui reviennent. Le plus grand des gars, chapka sur la tête et nez rougi me regarde et me demande en anglais:
"- Pour qui tu travailles, Américains, Français, Anglais? QUI?!!"Je commences à rire. Un rire sifflant, marqué par les privations et les tortures. Je lui réponds hillare, dans un russe parfait et sans accent, pour ne pas trahir ma langue natale:
"- Tu sais comme moi que je ne parlerai pas. Laisse moi griller une clope et arrête de gaspiller mon temps, mets moi une balle."J'ai toujours eu une réputation de taré au boulot. Là ou certains avortent leurs op, je vais jusqu'au bout, quitte à y perdre des plumes. Semble que cette fois je vais y laisser ma tête.
Nos regards se croisent, et il comprends que je suis sérieux. Il hoche la tête d'un air entendu, et le petit, qui s'était positionné derrière moi, me fourre la tête dans un sac de toile, vite accompagné d'un coup de matraque. Douleur intense avant le noir.
Je me réveille, il pèle, je suis à poil en plein vent, en plein hiver. On me découvre le visage et je retrouve le grand devant moi. J'ai encore un peu la tête dans le cul. On est sur un pont, au dessus de la Spree je suppose. Des morceaux de glace flottent dans la rivière en contrebas. Le grand me tend une cigarette vers la bouche, je l'attrape du bout des lèvres, aspirant tandis qu'il y mets une allumette pour l'allumer. Encore dans un anglais parfait, il me pour qui je travaille. Le petit me pousse vers le bord du pont. Je prends le temps de savourer les dernières bouffées de cigarette et d'air de ma vie, le regard perdu dans le vague, avant de fixer mes yeux sur mon interrogateur. Esquissant un sourire tout en grelottant dans le froid je lui dis, toujours en Russe:
"-Merci pour la cigarette"Coup de coude dans le ventre du petit, je saute devant moins, à poil, les mains attachées. La chute est rapide, puis un impact avec l'eau. C'est comme du béton, et le froid, putain le froid... Mais c'est pas si mal. Ça mords un peu au début, mais je sens que je m'endors, c'est toujours mieux que de crever les entrailles bouffées par du cyanure.
But alive tough
Putain pas croyable comme rien n'as changé en tant d'années. Tu te demandes ce que je fais encore en vie, dans un bar de merde à Édimbourg alors que je suis sensé être mort depuis plus de cinquante ans? Quel est le premier mot qui te viens à l'esprit au vu de la situation? Quoi, grotesque? Tu crois pas si bien dire. Je me suis réveillé en plein milieu de ma ville de naissance, à poil, comme j'étais mort, mais cinq ans après et avec une paire d'ailes dans le dos et des cheveux couleur cuillère de bourgeoise. Va comprendre.
Ptit résumé du temps d'adaptation, les gens autour de moi semblaient pas me calculer, sauf quelques types au regard réprobateur. Avant qu'un autre gars qui me ressemblait, plumes tout ça tout ça, vienne m'expliquer ce bordel. J'étais une instance claire, ce que les humains prenaient pour des anges. La bonne blague, moi un ange. C'est pas non plus la seule surprise avec tout ce que j'apprends, que ce soit sur les maitres, les primitif, les immortels etc. Il m'explique qu'on est régis par un Sénat, en démocratie avec les instances sombres, et qu'il à une place pour moi là-bas.
Garde. Pourquoi pas, dans la mesure ou je suis mort de toute façon, c'est pas comme si j'avais autre chose à foutre. Pendant dix ans, mon boulot va être la fouille au corps et autres conneries. Fait est qu'avec le temps, je commence à me rendre compte que corruption et tentatives de coup d'état sont courants. Mon domaine quoi. Le seul souci, c'est qu'ici, tout le monde me connait depuis le temps. Pas moyen de s'infiltrer pour faire son job. Quoi que.... Jme sens pousser la vocation. Sénateur, puis Whip des clairs, j'ai passé pas mal de temps à purger l'endroit. On a beau pas pouvoir mourir ici, la prison pour l'éternité accompagnée de tortures, ça à de quoi donner refroidir quelques idéalistes qui décideraient de passer à coté de la loi, qu'ils soient du côté sombre ou clair. C'est bien la première fois qu'ils tombent sur un gars aussi compétent et décidé à faire son job que moi dans ce Sénat.
Même mon ptit mentor y est passé. Pas évident à faire, mais nécessaire. Il pensait pouvoir me manipuler. Il avait pas compté sur le fait que je n'ai aucune reconnaissance à avoir dans ce métier. Je le pratique depuis avant ma mort. Quand j'ai une mission, je l'accomplis, quitte à faire tomber des têtes. Je dois représenter la loi? Ok, mais la loi est la loi, et on tourne pas autour.
Voilà donc cette vie en gros. Mort une fois. Et de nouveau la même merde, à un autre niveau. Alors maintenant laisse moi boire mon verre et me choisir de la compagnie pour cette nuit. Casse toi.