Look at the details! [feat Heatcliff]

Il regarde ses longues mains autrefois gantées de velours à absolument chaque seconde de sa vie. Il apprenait à les aimer, comme il réapprenait à vivre auprès de Simon. Comme ce corps qui arborait à présent un nouveau glyphe, dessiné de sa main, encré par celle de la douce Nina. Il avait pris une semaine à Londres, pour régler ses affaires, se résignant à une distance terrible avec son Ange. Il le lui ferait payer, délicieusement. Heath esquisse un sourire. Sa suite dans un hôtel de luxe lui semble bien vide sans la présence de son amant, et même s'il le porte à présent dans ses chairs, sur son propre myocarde, comme si les anciens battements de son coeur s'accordaient à l'unisson avec le sien. Comme cette fois, dans l'atelier, ce jour unique où leurs âmes s'étaient trouvées. Il soupire d'aise et glisse langoureusement du lit. Ses jambes immenses se courbent toujours étrangement pour déplier son corps long comme les pattes d'une drôle d'araignée.

Il avait reçu un coup de fil agréable, quelques heures auparavant. Edna Calavera. Une vieille amie. Qu'il n'avait plus revu depuis des siècles. Si Avalon était une connaissance récente qu'il avait gardé auprès de lui dans sa tourmente avec Mara -que ce prénom semble lointain et inconnu à présent- il n'avait pas spécialement gardé le contact avec ceux qu'ils estimaient. Nina. Edna. Deux femmes extraordinaires, très différentes pourtant, mais très chères à son coeur. Alors quand la couturière de luxe l'avait contacté pour lui proposer une création exceptionnelle, il n'avait pas hésité, et c'était de bon coeur qu'il avait accepté de la voir dans l'après-midi. Il se redresse donc, passe ses paumes sur son pantalon de peau qui colle à ses cuisses, sur la chemise de soie bleu nuit qui s'ajuste à sa taille fine. Il attrape un long manteau de velours -une création d'Edna- et lasse ses cuissardes de cuir noir serré.

Il lui faut quelques minutes pour descendre des étages les plus hauts du building où se trouve son cinq étoiles, attendre le voiturier au volant de sa vieille DS française et s'y engouffrer, à l'assaut de la jungle londonienne. Il possède de nombreuses voitures de collection, dont certaines restent à Londres. Il apprécie le toucher de route à l'ancienne et les souvenirs qu'il associe à cette automobile. Le trajet lui semble court, bien qu'il ait surement flâner plus que de raisons jusqu'à Oxford Street où se trouve l'inimitable boutique d'Edna, portant sobrement son propre nom "Caladera". Un large sourire s'affiche sur ses lèvres quand il s'engouffre par une habitude fraîchement retrouvée dans le parking sous-terrain réservé à sa clientèle de marque. Il gare sa précieuse, attrape un sac de grand couturier français que Edna lui avait autrefois personnalisé à son goût, les mains étrangement nues. Ca ne manquerait pas de surprendre la stylisme, il s'en doutait, mais il était près à répondre à ses questions.

Il monte dans la boutique par l'ascenseur intérieur et tombe avec une tendre nostalgie sur le visage piquant et pourtant doux de sa vieille amie. Son sourire est sincère lorsqu'il s'approche d'elle, dépose une bise sur sa joue à la mode française et incline gentiment la tête pour la regarder de haut en bas. Elle lui avait manqué, pour sûr. Pour autant, sa loquacité légendaire est toujours la même.

"Edna, ma chère amie. Cela fait bien longtemps !"

Edna avait depuis toujours ce petit côté exubérant propre au monde de l'apparence, et que Heathcliff n'avait jamais adopté malgré les vernissages infestés de gens superficiels qu'il avait du affronter. Pourtant, la styliste n'était pas ainsi. Elle avait un profond amour de son métier qu'elle voyait -et Heath également- comme un art. Son respect du tissu, et le soin dans chacune de ses pièces allaient au delà d'une simple vanité d'apparat. Mais elle avait tout de même des manières rappelant les défilés parisiens ou milanais. Il pose un sourire tendre sur elle. Resplendissant, c'était exagéré, comme toujours avec Edna, mais il était flatté du compliment. Pour qu'elle puisse l'examiner comme elle aimait le faire, il consentit à pivoter sur lui-même pour lui montrer qu'il portait encore les pièces qu'elle lui avait confectionné, même si certaines dataient un peu. En même temps, Heathcliff aimait avoir des pièces intemporelles qu'il pouvait associer avec tout et sans prendre aucun soin à la tendance actuelle de la mode.

"Toi aussi tu es magnifique, oserais-je espérer que tu nous aies fait apporter tes délicieux macarons français ?"

La gourmandise n'était pas le propre du peintre, mais les douceurs qu'il dégustait chez son amie lui laissaient toujours un souvenir excellent. Il se rend à sa suite dans le petit salon de la styliste, au cœur même de son atelier. Avec appétit et délice, Heathcliff vit une théière brûlante et une boîte de macarons. Il eut un sourire franc et terriblement angoissant pour quiconque ne le connaissait pas, avant de s'asseoir là où Edna lui indiquait. Son regard est immédiatement attiré par ce qu'il devine être un mannequin à la silhouette dissimulé par un draps de soie blanc. Il imagine sans peine que c'est la fameuse création qu'Edna tient à lui montrer et il est impatient de la découvrir. Mais avant tout, il commence à servir le thé, d'abord à Edna puis à lui, avant de croquer un macaron. La question de la styliste ne le surprend pas, il s'attendait à ce qu'elle remarque immédiatement ce détail qui avait bien changé depuis leur dernière rencontre.

"Framboise pistache, mon préféré ! Ils sont toujours aussi excellents ! Je suis d'autant plus fier de mes origines du côté de ma mère quand je déguste ce genre de douceurs."

Il pose son regard sur son amie. Il se doute bien qu'elle attend une réponse de sa part, mais Heathcliff n'a jamais été particulièrement à l'aise pour parler de lui. Alors il boit une gorgée de thé brûlant avant de commencer son récit.

"Je veux bien sur. Mais j'ai peur que tu sois déçue. Tout cela est un peu ... embarrassant, en réalité. Disons que j'ai traversé une période très difficile qui aurait pu se terminer avec un faire part pour mon enterrement. Mais j'ai fais une rencontre. Une rencontre qui a réveillé en moi des choses enfouies, endormies, oubliées depuis si longtemps ... Je ne t'apprends pas que mon pouvoir a toujours été contrôlé par mes doigts, mais ma maîtrise de la matière se limitait grandement à ce don. J'ai découvert que j'avais beaucoup plus de pouvoir que cela, en retirant mes gants, en peignant avec mes mains nues et ... Et d'autres choses que je te raconterais surement si tu sors une bouteille de gin."

Il éclate d'un rire un peu gêné. Il revoit sans mal la scène de l'atelier de peinture dans sa tête, et l'émergence de son pouvoir sur la matière à l'instant de l'extase auprès de Simon. Oui, il lui faudrait définitivement une bonne dose de gin pour parvenir à lui avouer tout cela. Un peu étrangement, une inhabituelle rougeur empourpre ses joues, ce qui ne manquerait surement pas d'interpeller Edna.

"Et toi alors, pour quelle merveille m'as-tu appelé ?"